jeudi 11 septembre 2008

Messiah is Coming

Le billet précédent soulignait le caractère pervers des gouvernement provinciaux qui contestent les prénoms controversés donnés à des enfants. L'article 393 du Code civil du Québec spécifie que «chacun des époux conserve, en mariage, son nom; il exerce ses droits civils sous ce nom. »

En application depuis 1981, il oblige le Directeur de l'État civil à se battre jusqu'en Cour Suprême s'il le faut pour obliger les femmes de se prévaloir de ce droit acquis de longues luttes acharnées des Fées Ministres. En 2005, le DEC fût débouté deux fois plutôt qu'une en Cour Supérieure.

Le premier jugement rendu le 11 janvier 2005 par l'Honorable Marie St-Pierre a permis à Élise Marie Gabriel de changer son nom de famille pour Roberge et à ordonner au DEC de procéder au changement.

Dans Gabriel c. Directeur de l'état civil, l'épouse s'est prévalue environ un an après son mariage de la procédure en changement de nom prévue à l'article 58 C.C.Q., ce qui était, selon elle, l'unique façon de pouvoir utiliser légalement le seul patronyme de son mari dans son quotidien. Elle alléguait que, selon les préceptes de sa religion, elle devait porter le nom de son mari pour pouvoir afficher l'unité familiale. Son pasteur de l'Église baptiste a d'ailleurs confirmé ce fait. Le directeur de l'état civil a conclu ne pas être en présence de motifs graves. Il a en effet estimé que l'épouse n'avait pas fait la preuve que l'usage de son patronyme lui causait un préjudice sérieux ou des souffrances psychologiques qui seraient atténués, voire éliminés, par le changement de nom, d'autant plus qu'elle pouvait utiliser le patronyme de son mari dans son entourage. Privilégiant, entre autres choses, le principe de la stabilité du nom, il a rejeté la demande. L'épouse a alors demandé la révision de cette décision en Cour supérieure.

Dans son jugement, Mme la juge Marie St-Pierre a considéré que l'épouse avait démontré que sa demande n'était ni un caprice ni une fantaisie. Les convictions religieuses de cette dernière lui sont apparues comme réelles, importantes et réfléchies. [...] Elle retient donc que l'épouse a expliqué la croyance liée à sa religion et que cette croyance requiert une conduite particulière, de sorte que le fait de ne pas être en mesure d'utiliser le même patronyme que son mari, en toutes circonstances et particulièrement dans son milieu de travail, lui cause des souffrances physiques et psychologiques.[...] Selon la juge, la stabilité du nom ne peut non plus constituer un empêchement au recours de l'épouse vu l'absence de preuve de risques de confusion ou de sécurité pour la société.[...]La juge St-Pierre a donc conclu que le désir de l'épouse de porter le nom de son mari constituait un motif sérieux.

Source: Une épouse peut-elle porter le nom de son mari? Par Francine Tremblay


Le deuxième jugement rendu le 12 avril 2005 par l'Honorable Bernard Godbout a aussi permis à Monique D'Aoust d'utiliser le nom de famille D'Aoust Nagy et à ordonner au DEC de procéder au changement.

Dans D'Aoust c. Directeur de l'état civil, l'épouse a présenté une requête en changement de nom de manière à ce que soit ajouté à son patronyme celui de son mari. Elle a allégué que c'était d'ailleurs le nom qu'elle utilisait depuis son mariage, célébré il y a plus de 17 ans. Elle a aussi invoqué le désir d'aller vivre, trois mois par année, avec son mari en Hongrie, pays d'origine de ce dernier. Elle a expliqué que le fait de ne pas porter le nom de son mari lui causait des souffrances et des inquiétudes, car elle n'était pas acceptée par sa belle-famille. Pour voir son statut d'épouse reconnu en Hongrie, elle a mentionné qu'elle devait porter le nom de son mari. Enfin, elle a allégué qu'elle subissait des inconvénients lorsqu'elle était à l'étranger, car son seul nom était inscrit sur certains documents alors que le patronyme de son mari était ajouté sur d'autres, ce qui entraînait de la suspicion et de la méfiance à son égard.

Le directeur de l'état civil a rejeté la demande de cette épouse. Il a, d'une part, considéré que chacun des époux conservait durant le mariage le nom qu'il portait depuis sa naissance et que le principe de la stabilité du nom devait être préservé. D'autre part, il a jugé qu'un changement de nom ne pouvait être autorisé que pour un motif sérieux et que la situation relatée par l'épouse n'en constituait pas un. Selon la politique qu'il s'est donnée, il ne peut changer le nom d'une personne que si celle-ci en porte un qui lui donne des complexes ou lui rappelle de mauvais traitements ou un rejet subis pendant son enfance, ou encore s'il est démontré que son nom lui cause des souffrances psychologiques ou un préjudice sérieux qui seront atténués, voire éliminés, en autorisant le changement. Devant le refus du directeur de l'état civil, l'épouse a demandé la révision de sa décision.[...]

Le juge Godbout est d'avis que le seul fait que l'épouse ait porté le nom de son mari depuis plus de 17 ans dans sa vie personnelle, sociale et professionnelle respecte le premier motif énoncé à l'article 58 C.C.Q., soit que «le nom généralement utilisé ne correspond pas à celui qui est inscrit dans l'acte de naissance». Il estime également que le second motif invoqué par l'épouse, soit les souffrances et inconvénients découlant du fait que son statut d'épouse ne soit pas reconnu en Hongrie, est également sérieux. Il précise que ce motif ne porte pas sur le caractère social de l'utilisation du nom de son mari mais qu'il est plus fondamental, car il met en cause la reconnaissance du mariage. Selon lui, le mariage n'est pas une question qui se limite aux frontières du pays dans lequel il a été célébré, et des époux sont en droit de s'attendre à ce que leur statut soit reconnu peu importe où ils se trouvent. C'est pourquoi il considère que, puisqu'il est possible de remédier à la reconnaissance de leur union, il doit accueillir la demande.

Source: Une épouse peut-elle porter le nom de son mari? Par Francine Tremblay

Le jugement du Juge Godbout est clair: c'est le DEC qui a conçu sa propre politique sur les motifs admissibles pour un changement de nom et il a tout le pouvoir discrétionnaire pour les changer ou d'en déroger lors de situations exceptionnelles. Autrement dit, ces cas n'auraient jamais dû se retrouver en Cour Supérieure l'évaluation des motifs ne relève pas d'une loi mais d'une politique interne du DEC.

À la lumière de tout cela, je pense que le gouvernement doit laisser les parents décider des noms qu'ils veulent donner à leurs enfants tout comme on leur laisse le droit de choisir le nom de leurs animaux de compagnie.

Je suis bien ouvert à ce que les gens se soumettent à tout le processus de changement de nom (demandes, affichages, etc) mais ils devraient être en mesure de le faire sans subir un examen du sérieux des motifs et ce tant qu'ils paient 100% des frais des changements aux registres.

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